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Position de la SP2A sur les stratégies de prévention de la bronchiolite

 26/01/2023
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Le fardeau de la bronchiolite : pas qu’en 2022 !

Les bronchiolites constituent un lourd fardeau de santé publique avec en moyenne 25 000  hospitalisations/an de nourrissons de moins de deux ans [1]. Si l’on considère l’ensemble des détresses respiratoires durant la saison épidémique, et donc potentiellement imputables au VRS, l’impact est d’environ 40 000 à 45 000 hospitalisations chez l’enfant de moins de cinq ans, dont 69% chez l’enfant de moins de 1 an, et 33 % chez l’enfant de moins de 3 mois [2]. Une augmentation progressive des hospitalisations d’environ 25% est observée au cours des 10 dernières années [2]. La durée moyenne de séjour est de 3 nuits. Une prise en charge en USIC est nécessaire pour 7% des nourrissons de moins de 3 mois hospitalisés. L’épidémie de VRS donne lieu à une dizaine de décès par an survenant dans les 2/3 des cas chez des nourrissons avec comorbidités.

La part réelle du VRS dans ces hospitalisations reste mal connue, puisque la réalisation de tests viraux  n’est pas recommandée en pratique clinique. Les données françaises récentes montrent toutefois que le VRS est retrouvé dans 88% des prélèvements de nourrissons avec une première bronchiolite modérée ou sévère, isolé ou associé à d’autres virus [3].

Plusieurs comorbidités sont associées à un risque accru d’hospitalisation pour bronchiolite : la  prématurité notamment extrême (odd ratio (OR) à 2,6), la dysplasie bronchopulmonaire (OR à 1,35) et les cardiopathies congénitales avec retentissement hémodynamique (OR à 3,37) et donnent actuellement lieu à une prévention par palivizumab [1]. D’autres comorbidités présentent un risque accru d’hospitalisations et ne sont ciblés par aucune stratégie médicamenteuse notamment [1] :

  • dystrophie musculaire (OR à 4,35)
  • maladie pulmonaire congénitale et/ou anomalies bronchiques, fistule trachéo-oesophagienne congénitale, hernie diaphragmatique, maladie du sommeil, mucoviscidose
  • trisomie 21, anomalies congénitales du système nerveux, anomalies chromosomiques autres que la trisomie 21
  • greffes d’organes solides et de cellules souches (ORs respectivement à 9,76 et 5,83)
  • cardiomyopathie, hypertension artérielle pulmonaire, CHD non significative sur le plan hémodynamique, maladie cardiovasculaire survenant pendant la période périnatale
  • fente palatine

Le tabagisme pendant la grossesse et le tabagisme actif des parents est un facteur de risque indépendant de développer une bronchiolite grave.  Néanmoins 87% des hospitalisations surviennent chez des enfants nés à terme sans aucune comorbidité. La moitié d’entre eux sont nés hors saison du VRS. Le coût des arrêts de travail des parents et de leur remplacement contribue également au fardeau économique de cette pathologie. Les épidémies de bronchiolites sont responsables chaque hiver d’une mise en tension de nos structures de soins pédiatriques et de retards aux soins médicaux ou chirurgicaux programmés. Sur le plan individuel les hospitalisations de très jeunes nouveau-nés ont un impact sur la parentalité, la mise en place de l’allaitement maternel.

Au-delà des bronchiolites, le VRS est également responsable de séquelles de virose graves pouvant  nécessiter des greffes cardio-pulmonaires. Les hospitalisations pour bronchiolites à VRS sont également associées à un risque d’asthme et d’altérations fonctionnelles respiratoires à l’âge de 6 ans [4].

Quelles stratégies de prévention ?

La stratégie actuelle de prévention de la bronchiolite repose tout d’abord sur les mesures barrières qui  permettent de limiter la transmission. Les gestes barrières ont participé à limiter l’épidémie de bronchiolite pendant la première phase épidémique du COVID durant laquelle la bronchiolite saisonnière était restée très limitée. L’éducation des parents aux mesures barrières reste donc un des aspect clef de la prévention.

La stratégie médicamenteuse actuelle de prévention de la bronchiolite n’est centrée que sur les  patients les plus à risque, le palivizumab n’étant utilisé que chez de grands prématurés ou des patients avec cardiopathie congénitale avec retentissement hémodynamique. Le coût, la fréquence mensuelle d’administration n’avait pas permis d’envisager une politique de prévention plus large.

L’autorisation par l’EMA le 16/09/2022 du Nirsevimab permet d’envisager de pouvoir à très court  terme modifier la stratégie de prévention nationale des bronchiolites à VRS. Cet anticorps de haute affinité pour le VRS et avec une meilleure stabilité permet une seule administration par saison de VRS et a démontré une efficacité comparable au palivizumab pour les prématurés de 29 à 34+6 SA [5] et a montré une efficacité chez les enfants nés à terme et ou ayant une prématurité tardive (35 à 37 SA) de moins de un an entrant dans leur première saison de VRS en réduisant le taux d’infections à VRS modérées à sévères nécessitant une prise en charge médicale de manière significative de 75% sur une période de 5 mois post-injection dans une étude de phase III [6].

Le taux d’hospitalisation était réduit de 62% même si cette valeur ne franchissait pas la significativité.  Cette étude, centrée sur les bronchiolites modérées à sévères, ne permet toutefois pas de conclure dans la mesure où les nourrissons avec bronchiolites étaient peu nombreux. Une large étude incluant plusieurs milliers d’enfant est en cours. L’impact de la prévention des bronchiolites légères dont le fardeau économique (consultations non programmées, arrêts parentaux) est probablement majeur mais pas suffisamment étudié. Malgré ces limites, des évaluations médico-économiques dans d’autres systèmes de santé que la France sont en faveur d’une prévention de tous les nourrissons par ce produit, sous réserve d’un coût limité du produit [7]. La publication très récente d’une étude poolée des phases IIb et III renforce les données disponibles avec une réduction des hospitalisations de 77.3% qui franchit la significativité [8].

D’autres stratégies utilisant des stratégies de vaccination chez la femme enceinte en inhibant la  protéine de fusion F pourraient également être mises en œuvre. Les résultats de l’étude de phase III ne sont pas encore publiés mais la communication récente de Pfizer, en attente de la publication, informe que la réduction des formes graves est de 88% à 90 jours et 69,4% à 6 mois.

Position de la SP2A

Compte tenu de l’impact majeur et croissant des épidémies à VRS, sanitaires et économiques, la  SP2A appelle à une stratégie de prévention ciblant l’ensemble des nourrissons au cours de leur première année de vie. Cette prévention passe d’abord par un renforcement des mesures d’hygiène à apprendre aux jeunes parents et de maîtrise de l’environnement dont le rationnel scientifique a été rapporté dans les recommandations HAS 2019 sur le premier épisode de bronchiolite aigue du NRS de moins de 12 mois :

  • Se laver les mains avant et après contact avec le nourrisson
  • Nettoyer la table à langer
  • Limiter durant la période épidémique les visites au cercle des adultes très proches et non malades
  • Éviter les embrassades du nourrisson en dehors du cercle familiale proche
  • Éviter au maximum durant la période épidémique les réunions de familles, les lieux très fréquentés et clos comme les supermarchés, les restaurants ou les transports en commun, surtout si l’enfant a moins de trois mois
  • Éviter dans la mesure du possible la garde en collectivité avant 3 mois
  • Exclure tout tabagisme dans les lieux de vie et de transport du nourrisson

Cette prévention désormais devrait pouvoir reposer sur des stratégie médicamenteuses applicables  en population générale (vaccinales chez la femme enceinte à moyen terme et d’immunisation passive chez le nouveau-né et le nourrisson à court terme au vu de l’autorisation récente de l’EMA).

La SP2A recommande une prévention systématique de la bronchiolite à VRS chez tous les nourrissons  de moins de un an par Nirsevimab dès la prochaine saison épidémique. Pour être efficace, cette stratégie nécessite :

  • une déclinaison en intra et extra-hospitalier : injection en maternité par pédiatre ou sage-femme avant la sortie en saison épidémique avec inclusion du coût de cette injection dans les forfaits naissance de octobre à mars ; injection par médecin, infirmière, sage-femme courant octobre pour les nourrissons nés hors saisons épidémiques âgés de moins de un an
  • un coût bas et l’obtention d’un remboursement rapide pour la saison à venir
  • la mise en place d’un observatoire d’efficacité en vie réelle sur les 5 premières années d’utilisation
  • la discussion après résultats de l’étude de phase III b et des premières données de l’observatoire du caractère obligatoire de cette stratégie de prévention

La stratégie proposée sera à réviser après publication des résultats de phase III des vaccinations  maternelles et l’autorisation de cette molécule. Une stratégie combinée pourra sans doute être proposée.

Pour le Conseil scientifique de la SP2A,

Pr Lisa Giovannini-Chami

Pr Christophe Delacourt

Pr Cyril Schweitzer

Bibliographie

[1] Fauroux B, Hascoët J-M, Jarreau P-H, Magny J-F, Rozé J-C, Saliba E, et al. Risk factors for bronchiolitis hospitalization in infants: A French nationwide retrospective cohort study over four consecutive seasons (2009-2013). PLOS ONE 2020;15:e0229766.

[2] Demont C, Petrica N, Bardoulat I, Duret S, Watier L, Chosidow A, et al. Economic and disease burden of RSV-associated hospitalizations in young children in France, from 2010 through 2018. BMC Infect Dis 2021;21:730.

[3] Petat H, Gajdos V, Angoulvant F, Vidalain P-O, Corbet S, Marguet C, et al. High Frequency of Viral Co-Detections in Acute Bronchiolitis. Viruses 2021;13:990.

[4] Zomer-Kooijker K, van der Ent CK, Ermers MJJ, Uiterwaal CSPM, Rovers MM, Bont LJ, et al. Increased risk of wheeze and decreased lung function after respiratory syncytial virus infection. PloS One 2014;9:e87162.

[5] Griffin MP, Yuan Y, Takas T, Domachowske JB, Madhi SA, Manzoni P, et al. Single-Dose Nirsevimab for Prevention of RSV in Preterm Infants. N Engl J Med 2020;383:415–25.

[6] Hammitt LL, Dagan R, Yuan Y, Baca Cots M, Bosheva M, Madhi SA, et al. Nirsevimab for Prevention of RSV in Healthy Late-Preterm and Term Infants. N Engl J Med 2022;386:837–46.

[7] Hodgson D, Koltai M, Krauer F, Flasche S, Jit M, Atkins KE. Optimal Respiratory Syncytial Virus intervention programmes using Nirsevimab in England and Wales. Vaccine 2022;40:7151–7.

[8] Simões EAF, Madhi SA, Muller WJ, Atanasova V, Bosheva M, Cabañas F, et al. Efficacy of nirsevimab against respiratory syncytial virus lower respiratory tract infections in preterm and term infants, and pharmacokinetic extrapolation to infants with congenital heart disease and chronic lung disease: a pooled analysis of randomised controlled trials. Lancet Child Adolesc Health 2023:S2352-4642(22)00321-2.